Marie Claire - France 807

La tache C’était un jeudi du mois de mai 2019, dans le 13e arrondissement, pas loin de l’hôtel Mercure de Houellebecq dans Sérotonine. La rue était en travaux, le ciel était clair. J’avais pris un soin particulier à m’habiller ce matin-là, je ne sais pas pourquoi. Des mules plates rouges, un pantalon taille haute, une chemise janséniste. Mon large imper très long entourait mes épaules. Je suis entrée dans le centre d’examen puis dans la salle d’attente commune et bleue. Mon tour est arrivé. J’ai posé mon sein droit sur l’appareil froid. Écrasé par la machine. « Oh, il y a une tache. On va le refaire. » Je me suis tournée et j’ai vu sur l’écran cette tache blanche filandreuse, interstellaire, dans la masse noire. La toile tissée d’une araignée?…

Patrick Besson, écrivain et éditorialiste Patrick Besson est l’auteur d’une oeuvre importante et éclectique, qui lui a valu, entre autres, le Prix Renaudot. Il rejoint les pages de Marie Claire en signant chaque mois une chronique dédiée aux femmes. D’où venez-vous ? D’une ravissante petite ville de l’est parisien, Montreuil, naguère appelée Montreuil-aux-Pêches, non parce qu'on y donnait des coups mais parce qu'on y cueillait le fruit du même nom, où ma mère croate et mon père russo-belge s'étaient installés pour cacher leurs amours coupables : lui non divorcé et elle sans papiers. Pourquoi faites-vous ce métier ? La meilleure réponse à cette question récurrente est celle que donna Samuel Beckett au journal Libération : « Bon qu'à ça. » Votre moment préféré pendant l’écriture ? Le moment le plus plaisant quand on écrit,…

«J'ai imaginé Marie et Claire en un mix de Donald et Melania Trump. Je les vois comme un fameux couple de lesbiennes new-yorkaises courant les vernissages et les galas de charité. Marie est agent de célébrités et Claire journaliste politique sur une chaîne ultraconservatrice. Mais j’ai beau chercher, je n’ai pas de souvenir de ma mère psy lacanienne lisant votre magazine. En revanche mon père, il me semble bien que oui. Pour quelles raisons ? Mystère ! Quant à moi, je l’achète chaque fois qu’il y a un article sur un de mes livres. Donc pas très souvent. Cela dit, il m’arrive de le découper. Ne vous méprenez pas, je ne suis pas un tueur psychopathe obsédé de jeunes filles portant ce prénom, non, je me contente plus pacifiquement de…

Titiou Lecoq, écrivaine “Au lycée, il y avait un rapport sexiste entre filles qui poussait à se disqualifier.” «J’étais une enfant invisible qui ne se moquait pas, et dont on ne se moquait pas puisqu’on ne me voyait pas. Je n’ai pas eu le privilège d’être le centre de l’attention par la moquerie. Je n’existais pas assez pour ça. On se moquait juste de mon nom de famille à l’école, mais avec un patronyme pareil, c'est inévitable entre enfants. J’ai découvert la moquerie à l’adolescence. Ça doit être hormonal, mais la méchanceté des ados peut être terrifiante. Tout y passe: le physique, les vêtements… Il y avait un rapport sexiste entre filles qui était terrible et poussait à se disqualifier entre nous au lieu de s’épauler, tout ça pour des choses aussi…

De l’extérieur, l’université américaine d’Afghanistan a la forme d’un rectangle de béton que fermerait le ciel. Des pickups de police et des milices privées patrouillent à toute heure sur l’avenue attenante, Darulaman road, du nom du palais ravagé qui pointe à son extrémité. Souvent, un hélicoptère les épaule, vrombissant au-dessus de la fac. Sur le trottoir, une file de jeunes têtes voilées, silencieuses, attend de s’engouffrer dans ce château fort. Elles sortent de leurs cols les badges universitaires cachés jusque-là. « À l’extérieur, les gens pensent des choses terribles sur nous, que nous dansons déshabillées en classe ou qu’on nous convertit au christianisme, raconte Madina, une jeune fille aux pommettes rondes, étudiante en sciences de l’informatique. Elle est enveloppée dans une abaya noire. C’est pour ça qu’on nous conseille d’être discrètes.…