Rolling Stone France HS No. 42

DÈCLARER LA GUERRE POUR célébrer la paix, tel est l’enjeu – débile il faut le reconnaître – de la célébrationannoncée et quasi désormaisavortée des cinquante ans dufestival mythique. À l’heureoù nous mettions sous presse, les mots revenant le plus dans les analyses des tenants et aboutissants de l’affaire sont “escroquerie”, “lâchage”, “juges”, “procès” et autres substantifs du même tonneau. Tout cela pour célébrer la paix disions-nous ? Michael Lang, l’un des organisateurs du festival commémoratif et déjà à l’origine de l’organisation de la toute première édition – mythique, légendaire, inoubliable, climax d’une période révolue –, intitulé Woodstock 50, qui devait célébrer les 16, 17 et 18 août prochains le demi-siècle du rendez-vous historique, accuse notamment le consortium nippon auquel il était associé, Dentsu Aegis, d’avoir détourné quelque 18 millions de dollars.…

COUNTRY JOE MCDONALD EN BATTLE DRESS kaki, bandana bleu et blanc, moustache de guerillero, boucle d’oreille, guitare sèche au poing, faisant épeler, puis hurler “F-U-C-K” à un demi-million de flower children, résume les combats libertaires des années 60 en lançant “I-Feel-Like-I’m-Fixin’-to-Die Rag”, la plus brûlante des diatribes anti-guerre du Viet-Nam. Ce choc, comme celui créé par Jimi Hendrix électrocutant l’hymne américain dans le petit matin post-coïtal de la plus spectaculaire des concentrations de tribus hippies, éprouvé par des dizaines de millions de disciples sur la planète via le film oscarisé de Michael Wadleigh au printemps 1970, frappe d’autant plus la jeunesse française que le rock est alors underground, rarement filmé, peu diffusé à la télévision, et que les groupes se contentent le plus souvent de se produire dans les salles…

COMMENT ÇA UNE IDÉE GÉNIALE ? UN FESTIVAL DE musique rock, ici dans la tranquille bourgade de Woodstock, refuge d’artistes de tous poils depuis 1903 ? Et puis quoi encore ? Passez votre chemin, jeunes gens ! D’ailleurs, le plus célèbre des résidents de notre communauté, j’ai nommé Bob Dylan, n’a aucune envie de voir des hordes de hippies défiler sous ses fenêtres…” La diatribe est apocryphe mais c’est en substance ce que le jeune Michael Lang et ses associés s’entendent répondre au moment où ils tentent de persuader les autorités de cette ville située à une centaine de miles de New York d’accueillir leur festival. “Trois jours d’amour, de paix et de musique” : le slogan tient la route, l’organisation nettement moins. À quelques semaines du début des festivités,…

WOODSTOCK - LE FILM - A IMMORTALISÉ l’image de Richie Havens scandant ses “Freedom” de preacher sur le gospel “Sometimes I Feel Like a Motherless Child”, grattant sa Martin D40 comme un diable, le dos de sa longue tunique africaine trempé de sueur. Lorsqu’il termine son set sur cette impro, vidé, le musicien afro-américain chante depuis deux heures, tout juste épaulé par son guitariste et son percussionniste. Michael Lang l’a littéralement poussé sur scène à 17 h, obsédé par l’idée que le timing du festival soit respecté. Havens a pour seul tort d’être le premier artiste présent sur les lieux. Il a eu la chance d’échapper aux monstrueux embouteillages qui paralysent les routes – et du même coup les artistes – en montant dans un hélicoptère. Mort de trouille, il…

GIVE ME A F… GIVE ME A U… GIVE ME A C… GIVE ME A K… What’s that spell ?” Soudain, la foule semble s’arracher à sa léthargie. Un immense “FUCK !” répond à Country Joe McDonald, lunettes noires et cheveux ceints d’un foulard de guerrier Apache, qui entame “I-Feel-Like-I’m-Fixin’-To-Die”, sa protest-song folk contre la guerre du Viet-Nam. Il est presque 13 H 30 et la musique a repris ses droits sur le site de Woodstock. Même si rien, comme la veille, ne se déroule selon le plannig prévu. Folk-singer engagé et enragé, McDonald, l’ex-soldat de la Navy, a remplacé au pied levé le groupe Santana, bloqué quelque part sur les routes saturées. Car cela continue de déferler de partout, malgré les conditions apocalyptiques dans lesquelles se déroule le festival. Ce matin,…

IL A DÉBARQUÉ D’UN HÉLICOPTÈRE AUX ALENTOURS DE 16 H, arborant une chemise indienne en daim à franges, bandeau fuchsia autour de la tête. Jimi Hendrix et son futur Band of Gypsies doivent clôturer le festival à 22 h. En toute logique : l’impressionnante trajectoire du Voodoo Child parle pour lui. En trois albums et des dizaines de concerts, le guitar hero a mis le monde – et ses pairs – à genoux. Mais une fois de plus, rien ne se passera comme prévu… C’est que la nuit a été longue à Bethel. Longue et explosive… À peine la performance de Creedence terminée, Janis Joplin a investi la scène, flanquée de son Kozmic Blues Band. Mais la révélation de Monterey donne un concert relativement décevant si bien que son manager, Albert…